Page:Austen - Orgueil et préjugé, 1966.djvu/280

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qu’ils se rendaient à Gretna-Green. Quelques doutes exprimés à ce sujet par le capitaine Denny, ayant été communiqués au colonel Forster, celui-ci en prit aussitôt l’alarme, et quitta Brighton dans le dessein de découvrir la route qu’ils avaient prise ; il les suivit facilement jusqu’à Clapham, mais là tout indice lui manqua, car à l’entrée de cette ville, les fugitifs avaient pris un fiacre et renvoyèrent la chaise de poste qui les avait amenés d’Epsom ; et tout ce qu’il a pu apprendre, c’est qu’on les a vus suivre la route de Londres. Je ne sais vraiment qu’en penser ; après avoir fait toutes les recherches imaginables de ce côté-là, le colonel F. revint vers Herfortshire, les renouvelant encore à toutes les barrières et à chaque auberge dans Barnet et Halfield, mais inutilement. Désespérant alors de pouvoir les découvrir, il vint à Longbourn nous faire part de ses craintes, d’une manière qui fait honneur à sa sensibilité. Je souffre vraiment pour lui et sa femme, mais personne ne peut les blâmer. Notre malheur, chère Lizzy, est bien grand, mon père et ma mère mettent tout au pis ; quant à moi, je ne puis penser aussi mal de Wickham ; plus d’un motif peut les engager, ce me semble, à se marier secrètement à Londres, plutôt que de suivre leur premier projet, et même si Wickham était capable de former un pareil dessein sur une jeune personne, appartenant à une famille comme la nôtre, ce qui n’est guère probable, peut-on supposer que Lydia soit assez étrangère à tout sentiment d’honneur et de vertu pour…, cela est impossible ! Je suis cependant bien chagrine, de voir que le colonel Forster ne croit point à leur mariage : lorsque hier soir je lui parlai de mes espérances, me regardant d’un air affligé, il me répondit qu’il craignait bien que Wickham ne fût pas un homme sur lequel on pût compter. Notre pauvre mère est vraiment malade, elle garde le lit ; quant à mon père, je ne l’ai, de ma vie, vu si affecté. Je suis vraiment aise, chère Lizzy, que vous n’avez point été présente à ces scènes si pénibles, mais maintenant que le premier moment est passé, je dois avouer l’impatience avec laquelle j’attends votre retour. Je ne suis point assez égoïste cependant pour