Page:Austen - Orgueil et préjugé, 1966.djvu/345

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m’offre leur société ; puissé-je leur parler aujourd’hui à l’un et à l’autre pour la dernière fois. »

Cependant cet ennui si cruel, pour lequel des années de bonheur ne devaient offrir nulle compensation, reçut bientôt après un grand soulagement, lorsqu’elle remarqua combien la beauté de sa sœur avait ranimé l’admiration de Bingley. D’abord, il lui parla peu, mais chaque instant semblait l’attirer davantage vers elle : il la trouva aussi belle que le premier jour qu’il l’avait vue, aussi naturelle, aussi aimable, mais un peu moins parlante. Hélen s’efforçait de ne laisser apercevoir en elle aucun changement ; elle croyait même discourir tout autant qu’autrefois ; mais avec un esprit si préoccupé, le moyen qu’elle s’aperçut toujours de son silence ?

Quand ces messieurs se levèrent pour prendre congé, Mme Bennet n’oublia pas son projet d’invitation ; ils furent donc conviés à dîner pour le jeudi de la semaine suivante.

« Vous me devez en effet une visite, monsieur Bingley, ajouta-t-elle ; car l’hiver dernier, avant votre départ pour Londres, vous me promîtes qu’aussitôt après votre retour vous viendriez me demander le dîner de famille ; je ne l’ai point oublié, et je vous assure même que j’étais fort contrariée que vous ne vinssiez pas remplir vos engagements. »

Bingley parut un peu déconcerté à cette dernière réflexion, et dit quelque chose de son regret d’avoir été retenu par des affaires.

Mme Bennet avait été fort tentée de les engager ce jour même à dîner, mais encore qu’elle tînt habituellement une très bonne table, elle ne pensa pas cependant qu’un repas d’un seul service pût satisfaire la vanité et l’appétit d’un homme qui possédait dix mille livres sterling de rente, et encore bien moins être offert à celui sur lequel elle fondait de si grandes espérances.