Page:Austen - Orgueil et préjugé, 1966.djvu/370

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Elle suivit son père jusqu’à la cheminée, et là, s’étant tous deux assis, il prit ainsi la parole :

« J’ai reçu ce matin une lettre qui m’a fort étonné ; comme son contenu vous concerne particulièrement, je dois vous la faire connaître : j’ignorais auparavant, que j’eusse deux filles sur le point d’être mariées ; laissez-moi vous féliciter d’une conquête aussi importante. »

La plus vive rougeur vint déceler l’embarras d’Élisabeth, et comme elle pensait que ce devait être une lettre du neveu plutôt que de la tante, elle ne savait trop s’il fallait être satisfaite de le voir s’expliquer enfin, ou mécontente de ce que la lettre ne lui fût pas adressée à elle-même, lorsque son père continua :

« Vous rougissez, je crois ; les demoiselles ont sur de pareilles matières une extrême pénétration, mais je puis, ce me semble, vous défier, quelque sagacité dont vous soyez douée, de deviner le nom de votre futur… Cette lettre est de M. Colins.

— De M. Colins ! que peut-il avoir à nous dire ?

— Sûrement quelque chose de fort à propos ! Il commence par me féliciter sur l’approche du mariage de ma fille aînée, qui lui a été communiqué, à ce qu’il paraît, par quelques-unes de nos bonnes voisines de Lucas-Lodge ; mais je ne veux point me faire un jeu de votre impatience, en vous lisant ce qu’il dit à ce sujet ; ce qui vous regarde est ainsi conçu : « Vous ayant maintenant offert nos sincères félicitations sur cet heureux événement, permettez-moi ici de vous ajouter quelques mots au sujet d’une autre nouvelle qui nous est parvenue de la même manière. Votre fille Élisabeth, on le présume du moins, ne portera guère plus longtemps que sa sœur le nom de Bennet ; et celui auquel elle doit unir sa destinée, peut raisonnablement être regardé comme l’un des personnages les plus illustres de l’Angleterre.

— Devinez-vous, Lizzy, qui cela peut être ? — Le ciel a été prodigue envers lui de tous les dons qui peuvent le mieux satisfaire le cœur de l’homme ; une grande fortune, une famille des plus nobles, et des attributions importantes ;