Page:Austen - Orgueil et préjugé, 1966.djvu/375

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aussi l’exprima-t-il avec une chaleur, une sensibilité qui ne sauraient être bien comprises que par celui-là seul qui a sincèrement aimé. Si Élisabeth avait pu lever ses regards sur les siens, elle aurait vu combien cette douce expression de bonheur, répandue dans tous ses traits, en tempérait agréablement la dignité ; mais si elle ne put le regarder, du moins elle savait l’écouter, et il l’entretenait de sentiments, qui, en prouvant combien elle lui était chère, rendaient à chaque instant son attachement plus précieux.

Ils marchèrent longtemps sans savoir dans quelle direction. Exprimer leur pensée, parler de leur félicité, était tout ce qui les pouvait occuper. Elle apprit bientôt de son ami, que leur bonne intelligence actuelle était due à lady Catherine, qui avait effectivement passé chez lui à son retour par Londres, et là, lui avait raconté son voyage à Longbourn, le motif qui l’y avait amenée, et le sujet de sa conversation avec Élisabeth ; s’arrêtant avec emphase à chaque expression de celle-ci, qui, selon cette noble dame, démontrait sa perverse opiniâtreté et ses hardies prétentions, dans l’idée qu’un tel récit devrait l’aider à obtenir, au moins de son neveu, cette promesse qu’elle avait en vain demandée à Élisabeth ; mais, par malheur pour elle, l’effet que produisit sa démarche fut tout contraire à celui qu’elle en attendait.

« Je lui ai l’obligation d’avoir fait renaître mes espérances, dit Darcy, car je connaissais assez votre caractère, pour être certain que si vous aviez été irrévocablement décidée contre moi, vous l’eussiez, avec franchise, déclaré à ma tante. »

Élisabeth rougit, et répondit en souriant : « Oh oui, vous devez assez connaître ma franchise pour m’en croire capable ; après toutes les injures que je vous ai dites en face, je ne pouvais me faire scrupule de vous maltraiter auprès de vos parents.

— Qu’avez-vous dit de moi que je ne méritasse ? Bien que vos accusations fussent mal fondées et produites par de fausses apparences, ma conduite envers vous, à cette époque, méritait les plus sévères reproches ; elle était