Page:Austen - Orgueil et préjugé, 1966.djvu/376

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impardonnable, je n’y puis songer sans indignation.

— Il ne serait pas facile de dire qui de nous a eu le plus ou le moins de torts durant cette soirée, notre conduite à l’un et à l’autre, si on l’examine sévèrement, ne peut être irréprochable ; mais depuis ce temps, nous sommes tous deux, je l’espère, devenus plus polis ?

— Je ne saurais me réconcilier si facilement avec ce souvenir ; mes expressions, ma conduite, mes manières dans cette fâcheuse entrevue, sont maintenant, et ont été depuis longtemps, le sujet de tous mes regrets : jamais je n’oublierai le reproche si juste que vous m’adressâtes : « Si votre conduite avait été celle d’un homme bien élevé », ce sont vos propres paroles ! Vous ne savez, vous ne pouvez concevoir combien elles m’ont tourmenté, bien que d’abord, je le confesse, je ne fusse pas assez raisonnable pour m’avouer leur vérité.

— J’étais bien loin de présumer qu’elles vous fissent une si forte impression.

— Je le crois ; vous pensiez alors, je suis sûr, que j’étais dépourvu de tous sentiments honnêtes. Je n’oublierai de ma vie l’expression de votre regard, comme vous ajoutiez : « De quelque manière que vos vœux m’eussent été exprimés, jamais vous n’auriez pu m’engager à les recevoir.»

— Oh ! ne me rappelez pas le langage que je vous tins alors, je l’ai plus d’une fois sincèrement regretté, et ne puis y penser sans rougir. »

Darcy parla de sa lettre :

« Vous a-t-elle forcée à me juger moins sévèrement ? Avez-vous, en la lisant, ajouté foi à son contenu ? »

Elle lui avoua l’impression que cette lecture avait faite sur elle, et combien ses anciennes préventions s’étaient peu à peu évanouies.

« Je savais, dit-il, que ces explications devaient vous causer de la peine, mais elles étaient nécessaires. J’espère que vous avez brûlé ma lettre ? Je ne voudrais pas pour tout au monde, qu’il vous fût possible de la relire. Je me rappelle plusieurs expressions qui pourraient, avec justice, m’attirer votre haine.