Page:Austen - Orgueil et préjugé, 1966.djvu/391

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expliquer ; et vraiment, tout considéré, je commence à penser que c’était assez naturel. Vous ne saviez, il est vrai, aucun bien réel de moi ; mais nul ne songe aux qualités sérieuses, lorsqu’il devient amoureux.

— Votre affectueuse conduite envers Hélen, lorsqu’elle fut malade à Netherfield, ne prouvait-elle pas la bonté de votre cœur ?

— Cette chère Hélen, qui pouvait faire moins pour elle ? Mais, admirez-la, sans doute mes bonnes qualités sont sous sa protection, et vous devez les exagérer autant que possible ; en retour, il m’appartient de vous tourmenter aussi souvent que je le puis, aussi dois-je débuter, dès à présent, et vous demander ce qui vous faisait tant différer d’en venir enfin à une explication ; ce qui vous rendait si réservé lors de votre première visite ici ? Mais surtout, pourquoi, durant cette visite, vous aviez tout l’air de me voir avec indifférence ?

— C’est que vous étiez grave et silencieuse, et que vous ne me donniez aucun encouragement.

— Mais j’étais embarrassée.

— Et moi aussi.

— Vous auriez pu me parler davantage le jour que vous vîntes dîner ici.

— Un homme moins occupé de vous l’aurait pu.

— N’est-il pas malheureux que vous ayez toujours une bonne réponse à me donner, et que je sois assez raisonnable pour m’en contenter ? Mais je voudrais savoir combien de temps vous auriez gardé le silence, si on vous avait laissé à vous-même. La résolution prise par moi de vous remercier pour Lydia, a eu un grand effet, trop peut-être, car si notre bonheur naît d’un manque de foi, cela n’est pas bien moral, et l’on m’avait défendu de parler de cette affaire.

— Tranquillisez-vous, tout est dans l’ordre, je vous jure : lady Catherine, en voulant nous séparer, n’a réussi qu’à détruire tous mes doutes… Je ne dois pas ma félicité actuelle à votre désir empressé de me témoigner votre reconnaissance ; je n’étais pas disposé à attendre aucun