Page:Austen - Orgueil et préjugé, 1966.djvu/390

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chapitre 60


Élisabeth, reprenant bientôt son enjouement naturel, voulut apprendre de M. Darcy comment il avait pu s’attacher à elle :

« Je comprends facilement que le premier pas fait, le reste vous était facile, mais, qu’est ce qui a pu vous faire faire ce premier pas ?

— En vérité, je ne saurais désigner le jour, le lieu, le moment qui virent naître ce sentiment en moi ; il était déjà bien puissant que je croyais l’ignorer encore.

— Vous aviez de bonne heure résisté à mes charmes, et quant à mes manières, le moyen de les admirer ? Ma conduite envers vous était pour ainsi dire incivile : je ne vous parlais jamais sans désirer plutôt vous offenser que vous plaire. Allons, soyez sincère, serait-ce mon impertinence qui vous aurait plu ?

— La vivacité de votre esprit m’a, je l’avoue, fort intéressé.

— Dites plutôt mon impertinence ; car ce n’était guère moins : le fait est que vous étiez las de civilités, d’attentions, de soins empressés ; vous étiez ennuyé de ces femmes qui ne pensaient, n’agissaient, ne parlaient que pour mériter votre seule approbation. Je vous ai occupé, intéressé même, parce que je leur ressemblais si peu ! Si vous n’eussiez pas été réellement aimable, cela seul m’aurait attiré votre haine ; mais, malgré le soin que vous preniez de vous déguiser, vos sentiments ont toujours été nobles et justes ! Et dans votre âme vous méprisiez les personnes qui vous flattaient si servilement. Là, je vous ai épargné la peine de me l’