Page:Austen - Orgueil et préjugé, 1966.djvu/399

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Comme il arriva qu’Élisabeth était persuadée qu’elle ne le devait point faire, elle chercha dans sa réponse à mettre fin à toutes demandes de ce genre, cependant souvent elle leur envoyait les secours que ses économies particulières lui permettaient de leur offrir. Elle avait toujours présumé qu’une fortune comme la leur, gérée par deux personnes si peu réglées dans leurs dépenses, et si insouciantes de l’avenir, ne pouvait être que très insuffisante : elle ne se trompait point, car chaque fois qu’ils changeaient de garnison, ou Hélen, ou elle-même, recevait la prière de les aider quelque peu à acquitter les mémoires qu’ils devaient. Leur manière de vivre, même lorsque la paix leur permit de choisir une demeure, fut des plus irrégulières ; ils étaient sans cesse, se déplaçant d’une ville à une autre, sans trop savoir pourquoi, et dépensaient toujours plus qu’ils ne pouvaient. L’affection de Wickham pour Lydia se changea bientôt en indifférence ; celle qu’elle avait pour lui dura un peu plus longtemps, et malgré sa grande jeunesse et son étourderie, elle conserva tous les droits à une bonne réputation que son mariage lui avait donnés. Encore que Darcy ne pût jamais recevoir Wickham à Pemberley, néanmoins, par égard pour Élisabeth, il l’aida dans la carrière qu’il suivait. De temps à autre sa femme les venait voir, pendant que lui s’allait divertir à Bath ou à Londres ; mais souvent ils demeuraient tous deux si longtemps avec leur autre beau-frère, que sa patience en fut épuisée, et il alla même jusqu’à parler du désir qu’il avait de leur faire entendre qu’il était temps qu’ils partissent.

Mlle Bingley fut extrêmement mortifiée du mariage de Darcy, mais jugeant qu’il était convenable de conserver le droit de venir à Pemberley, elle oublia son ressentiment, eut plus d’affection pour Georgiana que jamais, fut presque aussi attentive envers Darcy qu’autrefois, et ne négligea rien pour faire oublier à Élisabeth ses anciennes incivilités.

Pemberley fut désormais la résidence de Georgiana et l’attachement des deux sœurs répondait à tous les désirs de Darcy ; elles purent s’aimer l’une et l’autre, au moins aussi tendrement qu’elles se l’étaient promis. Georgiana