Page:Austen - Orgueil et préjugé, 1966.djvu/41

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un mélange d’orgueil et d’étourderie indiscrète ; elle n’avait ni conversation, ni goût, ni beauté : Mme Hurst pensait de même, et ajouta :

« En un mot, elle n’a rien qui puisse la faire remarquer, si ce n’est d’être une excellente marcheuse. Je n’oublierai de la vie la mine qu’elle avait ce matin !

— Je l’ai crue folle, en vérité.

— Cela est exact, Louisa, j’ai eu toutes les peines du monde à m’empêcher de rire. Quel ridicule de courir la campagne ainsi, seule… ; de se présenter dans un état…, les cheveux en désordre…, la figure rouge… ; et tout cela, parce que sa sœur a un rhume !

— Oh oui ! Et son jupon !… j’espère que vous avez remarqué son jupon ? Un pied de boue… Sa robe, qu’elle avait baissée pour cacher tout cela, le faisant paraître un peu mieux.

— Ce portrait peut être exact, Louisa, dit M. Bingley, mais moi ce n’est pas là ce que j’ai remarqué : j’ai trouvé miss Bennet fort jolie lorsqu’elle est entrée ce matin, et cette boue à son jupon ne m’a pas frappé comme vous.

— Vous vous en êtes aperçu, monsieur Darcy, j’en suis sûre ? dit Mlle Bingley. Je suis portée à croire que vous n’aimeriez pas à voir votre sœur se montrer dans un tel état…

— Non, certainement.

— Marcher trois milles, ou quatre, ou cinq, je ne connais pas bien la distance, dans la boue, et seule, toute seule, à quoi pensait-elle ? Il me semble que c’est montrer une bien sotte indépendance, le plus parfait mépris des convenances ; c’est être bien de la province !

— Cet attachement pour sa sœur est fort estimable, dit M. Bingley.

— Je crains beaucoup, monsieur Darcy, observa à demi-voix miss Bingley, que cette scène n’ait un peu diminué votre admiration pour ses beaux yeux ?

— Pas du tout, répondit-il, l’exercice les avait rendus plus animés. »