Page:Austen - Orgueil et préjugé, 1966.djvu/54

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ordres.

Je crois votre plume mauvaise, laissez-moi la retoucher ; j’ai un talent pour les tailler.

— Je vous remercie, je les taille toujours moi-même.

— Dites à votre sœur que je suis enchantée d’apprendre qu’elle fasse autant de progrès sur la harpe. Je vous prie de lui faire savoir aussi que je suis tout enthousiasmée de son charmant paysage, je le trouve infiniment mieux dessiné que ceux de Mlle Granthey.

— Permettez-moi de remettre vos compliments à une autre fois, à présent j’ai trop peu de papier.

— Oh ! je n’y tiens pas beaucoup. Je la verrai au mois de janvier. Lui écrivez-vous toujours des lettres aussi longues et aussi jolies… monsieur Darcy ?

— Elles sont ordinairement longues, mais jolies… ce n’est pas à moi d’en décider.

— Je suis persuadée qu’une personne qui écrit facilement une longue lettre doit bien écrire.

— Vous avez mal choisi votre compliment pour Darcy, Caroline ! s’écria son frère, car il n’écrit pas avec facilité ; il cherche trop les grands mots : n’est-il pas vrai, Darcy ?

— Mon style est bien différent du vôtre.

— Oh ! s’écria Mlle Bingley, Charles écrit sans le moindre soin ; il oublie la moitié de ses mots, et barbouille le reste.

— Mes idées viennent si rapidement que je n’ai pas le temps de les exprimer, et par là mes lettres sont souvent inintelligibles pour mes correspondants.

— Votre modestie, monsieur Bingley, dit Élisabeth, doit désarmer la critique.

— Il n’y a rien qui soit plus trompeur, dit Darcy, que cette apparente humilité ; ce n’est souvent qu’une insouciance de l’opinion d’autrui, ou une manière plus adroite de se faire honneur.

— Laquelle des deux m’attribuez-vous ?

— Le désir de vous faire honneur, car réellement vous tirez vanité des fautes que vous faites en écrivant, parce que vous les croyez produites par une imagination