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Page:Austen - Orgueil et préjugé, 1966.djvu/94

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que cette galanterie lui faisait entrevoir une préférence plus importante, l’idée lui vint qu’elle était l’heureuse femme choisie parmi ses sœurs pour être la maîtresse du presbytère d’Hunsford, et faire le quatrième au whist de lady Catherine. Bientôt cette idée devint une conviction, quand elle remarqua de nouveaux soins, et la peine qu’il se donnait avec plus ou moins de succès pour lui dire des choses charmantes sur son esprit et sa vivacité. Cette épreuve de ses charmes lui donna quelque étonnement, et fort peu de satisfaction ; et sa mère ne tarda pas à lui faire entendre qu’un pareil plan d’établissement lui était fort agréable : mais Élisabeth n’eut pas l’air de la comprendre, évitant de s’engager dans une discussion plus sérieuse qu’elle n’eût voulu.

« Est-il bien certain, se disait-elle, que M. Colins ait résolu de me demander ; et d’ailleurs, à quoi bon me chagriner d’avance ? »

Si l’attente du bal n’eût fourni aux deux plus jeunes sœurs ample matière de conversation, elles eussent été à plaindre, car, depuis le jour de l’invitation jusqu’à celui du bal, il ne cessa de pleuvoir ; elles ne purent une seule fois aller à Meryton. Durant quatre jours, ne voir ni leur tante ni les officiers, et n’apprendre aucune nouvelle, était pour elles une chose bien extraordinaire : cette réclusion alla même jusqu’à faire acheter, sans les voir, les rosettes des souliers de bal. Élisabeth elle-même aurait pu être contrariée par un temps qui différait le progrès de ses liaisons avec M. Wickham, et il ne fallut rien de moins à Kitty et à Lydia que la certitude de danser le mardi suivant pour leur faire supporter la durée des quatre jours qui devaient s’écouler jusque-là.