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LE GUÉ.

Et les bœufs qui passaient, buvant à l’abreuvoir,
Y projetaient leurs grandes ombres.

Et c’était la saison qui précède l’hiver,
Quand le sommeil gagne les plaines,
Quand le ciel au couchant, teint de rouge et de vert,
Annonce les rigueurs prochaines.

Et moi par le chemin je revenais aussi,
Par le chemin bordé de roches,
Et de cet autre hiver dont le cœur est saisi
Je sentais aussi les approches.

« Eh quoi ! disais-je, quoi ! faut-il si peu de temps
Pour que l’aurore au soir se mêle !
N’avais-je pas hier la fleur de mes vingt ans,
Cette fleur qui semble éternelle ?

« Fuite des jours ! travail insensible et subtil,
Dont à son tour chacun s’étonne !
À peine a-t-on perdu les fleurs du jeune avril,
Qu’on perd les feuilles de l’automne ! »

Eh bien, ce tableau-là, ces approches du soir,
Ce ciel coloré d’un jour triste,