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LA VIE RURALE.

Oui, je t’aime, ô chasseur, qui, d’un instinct viril,
Ne te plais qu’à des jeux qu’ennoblit le péril !
Toi qui, sur les coteaux, dans l’air et la lumière
Cherchant moins le butin qu’une liberté fière,
Marches près des buissons sans y causer un deuil ;
Toi qui laisses chanter la grive et le bouvreuil,
Et, pour tous les petits, cœur touché de tendresse,
Gardes à leurs tyrans ta balle vengeresse,
Je t’honore, et voudrais, d’un vers reconnaissant,
Applaudir ce matin à ton exploit récent.

Un aigle dans nos cieux, connu pour ses rapines,
Régnait : les vallons creux, les sillons, les ravines,
Tout lui payait tribut. Despote au bec d’airain,
Il mêlait de terreur l’azur le plus serein.
Quand il errait là-haut, au roulis de ses ailes,
Les nids s’avertissaient entre eux : les hirondelles
Cherchaient l’abri des murs ; le doux chantre des bois,
Tremblant, s’y blottissait et demeurait sans voix ;
Et l’agneau dans les près, et le lièvre en son gîte,
Pressentaient le tyran qui sur eux fond si vite.
Lui, dans l’effroi commun, tranquille, se berçant,
Sur la proie à saisir dardait un œil perçant,
Plongeait, et, de retour entre les hautes cimes,