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LA VIE RURALE.

Les jasmins aux pavots, — la pâleur et le fard, —
Incline un brin d’iris, redresse une corolle,
Puis mêle à tout cela quelque brindille folle !
Cet odorant faisceau, dans l’humide cristal,
Conservera demain tout son charme natal.
Les fleurs, vivant près d’elle, ont plus d’un jour à vivre.
La lampe est rallumée, il faut choisir un livre :
Que lirons-nous ce soir, poésie ou roman ?
Nous abreuverons-nous des larmes d’Oberman ?
Lisons plutôt Chénier : que sa tendre élégie
Des plus doux sons humains nous verse la magie.
Sur le même feuillet laissant errer nos yeux,
Elle et moi demeurons charmés, silencieux ;
Et, le front vers le sien, de si près je le touche,
Que ma tempe frémit au souffle de sa bouche.
Ainsi pourtant, un jour, le cœur au cœur uni,
Lisaient Paul et Françoise, enfants de Rimini,
Quand, de leurs doigts tremblants et pâles de délire,
Le volume tomba, qu’ils cessèrent de lire !

L’heure enfin sonne encore, elle vibre neuf fois,
Et toute la maison se rassemble à sa voix.
Famille et serviteurs, que son timbre rappelle,
Se rangent en silence aux bancs de la chapelle.