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Page:Auvray - Le Banquet des Muses, 1865.djvu/84

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Il est beau par excellence,
De petite corpulence,
Les membres gras et doüillets,
L’œil brun, la grace naïfve,
Le sang chaud, la couleur vifve,
Le tein de lis et d’œillets.

Il est couronné de roses,
Mille fleurettes écloses
Naissent dessous ses patins,
Mignard, la voix attrayante
Sa parole begayante
Et ses gestes enfantins.

Qu’on ne le cerche en Menale,
Mais en Paphos, en Miscale,
En Guide, en Cipre, et plus bas
Dans Amathonte, en Cythere,
Sejours plaisans où sa mere
Prend ses amoureux esbats.

Mais sçachant ceste assemblee,
N’est-il point allé d’emblée
Ravir l’empire des cieux ?
Piller l’arsenac des poudres,
Saisir les feux et les foudres
Et desarmer tous les dieux ?

Ou dans les royaumes sombres
Tourmenter encor les ombres
De ses venimeux attraicts ?
Ou dans l’antre du ciclope
Faire que bronte ou sterope
Forge la pointe à ses traicts ?

Non, le voila le folastre,
Que l’univers idolatre,
Le voyez vous cét archer
Ce garçon plein de cautelle
Dans les beaux yeux d’Isabelle
Honteusement se cacher ?

Craignant les mains vengeresses
De tant de belles deesses
Dont il a navré les cœurs,
Et de brizer ses machines
Contre les chastes poictrines
Des neuf castalides sœurs.

Ne redoutez plus mes dames
Ses traicts, ses attraicts, ses flames
Son arc, son dard, son flambeau,
Ce petit enfant volage
A perdu son equipage
Dedans les yeux d’Isabeau.

Et devalisé de fléches,
De brandons, et de flameches,
Garroté de toutes parts :
Pleurant tout nud, la convie
De luy redonner la vie
Au feu de ses doux regards.

Ainsi, ô vengeance extresme !
Amour, amoureux luy-mesme
De ce roc de chasteté,
Esprouve combien de peine
Donne la poursuitte vaine
D’une invincible beauté !

Il voit bien le temeraire
Comme sa flame est amaire,
Combien nos sens sont confus
Parmy l’amoureuse orage,
Le desespoir et la rage
Qu’apporte un rude refus.

Mais jà la blonde criniere
De l’astre porte-lumiere
Trempe aux espagnoles eaux,
Et desja la nuict brunette
Aux limons de sa charette
Fait atteller ses moreaux.

Sur le coupeau des montagnes,
Melisse, avec ses compagnes
Nymphes au pied diligent,
Chasse à meuttes descouplées
Par les forests amiclées
Le cerf aux branches d’argent.

Allez donc ames gentilles,
Mesler ces flames subtilles
Qu’amour attise en vos cœurs,
Et que ceste nuict obscure
Recompense avec usure
Vos amoureuses langueurs.