Aller au contenu

Page:Avenel - Histoire de la presse française, 1900.djvu/31

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sement franchies, les écrivains étaient encore exposés à voir leurs ouvrages supprimés ou brûlés par arrêts des Parlements, du Conseil du roi ou du Châtelet.

M. Félix Rocquain, à la fin de son livre sur l’Esprit révolutionnaire avant la Révolution, a dressé le très curieux tableau des livres réprouvés de 1715 à 1789. L’analyse attentive de cette longue liste confirme les observations de M. Rocquain. Les écrits condamnés de 1715 à 1743 se rapportent tous, sauf de rares exceptions, aux querelles soulevées par la bulle Unigenitus. De 1743 à 1752, un voit, à coté de brochures relatives à cette bulle, les premières productions de la philosophie, et en particulier le Dictionnaire de l’Encyclopédie. De 1752 à 1757, les ouvrages poursuivis ont trait presque uniquement aux refus de sacrements. De 1757 à 1774 dominent les brochures concernant les Jésuites, les livres de philosophie, les pamphlets contre le Chancelier Maupeou. A partir de 1774 (mort de Louis XV) jusqu’en 1789, on trouve, avec quelques écrits philosophiques, des brochures relatives aux réformes tentées par Louis XVI et Turgot, et enfin un certain nombre de publications se rapportant aux Etats Généraux.

Le Parlement de Paris laissait au lieutenant de police et au Châtelet le soin de supprimer les ouvrages obscènes, les feuilles volantes, de réprimer les contraventions ordinaires aux règlements de la librairie, les affichages illicites, les placards séditieux, etc. Il se réservait seulement d’exercer sa censure contre les écrits qui attiraient l’attention publique par le mérite littéraire de leurs ailleurs ou par l’active propagande dont ils étaient l’objet.

Le jugement de condamnation ordonnait d’apporter au greffe de la Cour tous les exemplaires de l’ouvrage : en attendant, les volumes saisis étaient lacérés et brûlés au pied du grand escalier du Palais de Justice. Cette procédure d’autodafé tomba dans te ridicule, le jour ou le public voulut lire l’ouvrage proscrit avant de le juger et de le condamner à son tour. Aussi le Parlement eut-il recours le plus souvent à la suppression de l’ouvrage c’est-à-dire à l’interdiction de le vendre et de le distribuer ou colporter.

M Monin, dans son livre plein d’intérêt sur l’État de Paris en 1789[1], rapporte, d’après les documents originaux conservés aux Archives nationales el à la Bibliothèque nationale, divers arrêts du

  1. Paris, maison Quantin, 1889.