Page:Aventure n° 3, jan 1922.djvu/36

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Quand je vous ai rencontrée au café, Diana, la transpiration imprimait deux ronds plus clairs sous les bras au pongé de votre robe ; malgré le fard votre figure était un peu rouge ; en vous j’imaginais l’inquiétude énervée des soirs d’orage. Je vous ai désirée. Chaleur : les appétits sont plus ardents, mais un rien leur devient répugnance. Il y a l’effroi d’une pourriture prochaine dans l’éclat d’un été ; volontairement, on s’éloigne des beaux corps parce qu’après l’amour ils paraissent des outres gonflées, inconsistantes, et prêtes à se vider. Diana, tout à l’heure j’ai baisé vos lèvres salées de cette bière dont j’ai le dégoût, et maintenant je ne vous aime plus dans ce bar où pourtant il y a des lumières flatteuses à votre teint, des nègres qui jouent du banjo et des couples qui dansent.

Diana m’a vu triste. À nouveau elle m’a conseillé de cet étourdissant cocktail chinois. Je lui ai obéi ; alors en vérité, les lampes voilées l’ont faite très belle. Les professionnels d’amour et de danse ont dansé pour moi un tango très épris, sensuel mais sans laideur. Encore, je boirai. Je vous admire de savoir ainsi vous servir d’une longue paille, les doigts joliment infléchis, le coude sur votre genou croisé. Je comprends de quel mystère vos yeux un peu vagues peuvent inquiéter l’amour des hommes. En ma propre ivresse, celle des autres me devient révélatrice. Dès cette minute, vous incarnez certain péché rare et somptueux bien que beaucoup le disent banal. Il vous pare d’une préciosité ambiguë. Je songe à quelque orientale divinité que la griserie