Page:Avezac-Lavigne - Diderot et la Société du baron d’Holbach, 1875.djvu/235

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solides, en se détruisant par parties. J’espère qu’elle vivra encore du temps, languissante, mais je n’espère plus la revoir à mon retour à Paris. M. de Clermont, hier au soir, me surprit d’abord en me soutenant que ces maladies et ces rechutes de madame Geoffrin avaient été causées par des excès de dévotion qu’elle avait commis pendant le jubilé. En rentrant chez moi, j’ai rêvé sur cette étrange métamorphose, et j’ai trouvé que c’était la chose du monde la plus naturelle.

» L’incrédulité est le plus grand effort que l’esprit de l’homme puisse faire contre son propre instinct et son goût. Il s’agit de se priver à jamais de tous les plaisirs de l’imagination, de tout le goût du merveilleux ; il s’agit de vider tout le sac du savoir, et l’homme voudrait savoir. De nier ou de douter toujours et de tout, et rentrer dans l’appauvrissement de toutes les idées, des connaissances, des sciences sublimes, etc. ; quel vide affreux ! Quel rien ! Quel effort ! Il est donc démontré que la très-grande partie des hommes, et surtout des femmes, dont l’imagination est double (attendu qu’elles ont l’imagination de la tête et puis encore une autre), ne saurait être incrédule, et celui qui peut l’être n’en saurait soutenir l’effort que dans la plus grande force et jeunesse de son âme. Si l’âme vieillit, quelque croyance reparaît….. Ergo, madame Geoffrin devait finir par un bon jubilé.

» Je vous souhaite de finir de même ; ce n’est pas un mauvais souhait à votre santé. Vous me direz que c’est vrai, mais que ce n’est pas non