Page:Avezac-Lavigne - Diderot et la Société du baron d’Holbach, 1875.djvu/31

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après vingt-huit jours d’angoisses mortelles, on le fit sortir du donjon de Vincennes, et on le conduisit au château, en lui annonçant que le roi, par un excès de clémence, lui permettait d’y être prisonnier sur parole et lui accordait le parc pour se promener, avec permission de recevoir sa femme et ses amis. Ceux-ci, pendant ce temps, ne s’endormaient pas. Voltaire lui-même, bien qu’il ne fût pas encore de ses plus intimes, annonçait, le 30 juillet 1749, à l’abbé Raynal, que madame du Châtelet avait écrit au marquis du Châtelet, gouverneur de Vincennes[1], pour le prier d’adoucir autant qu’il le pourrait la prison de Socrate-Diderot. « Il est honteux, ajoutait Voltaire, que Diderot soit en prison et que le poëte Roi ait une pension. Ces contrastes-là font saigner le cœur. »

Au nombre des amis que recevait, au château, le prisonnier, un des plus assidus et alors un des plus affectionnés était Rousseau. C’est même en allant voir Diderot que, sur la route de Paris à Vincennes, Jean-Jacques médita sa réponse à la question proposée par l’Académie de Dijon pour le prix de l’année 1750 : Si le progrès des sciences et des arts a contribué à corrompre ou à épurer les mœurs.

On raconte, — et Marmontel est un des écrivains

  1. Plusieurs auteurs ont confondu le mari d’Émilie, Florent-Claude du Châtelet, seigneur de Cirey, alors à Lunéville, à la cour de Stanislas, avec François-Bernardin du Châtelet, gouverneur de Vincennes. Le premier était de la 3e branche et le second de la 4e. Voy. l’Histoire généalogique de la maison du Châtelet, par Dom Calmet ; Nancy, 1741.