Page:Avezac-Lavigne - Diderot et la Société du baron d’Holbach, 1875.djvu/80

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sœur, madame Legendre[1], qui ne se lassait pas d’entendre le Philosophe. Trompant la vigilance de leur mère, elles allaient toutes deux au Palais-Royal, où elles étaient sûres de rencontrer Diderot sur un banc de la belle allée d’Argenson[2]. Quand on ne pouvait se voir, on s’écrivait. Mais la juste sévérité de madame Voland ne put pas tenir longtemps contre une passion réelle et profonde, bien éloignée de ces goûts passagers qui formaient tant de liaisons éphémères à cette époque. Il fallut bien tolérer ce qu’elle ne pouvait empêcher.

Nous ne connaissons aucun portrait de Sophie ; mais dans toutes les qualités que Diderot reconnaît à son amie, il n’est jamais question de sa beauté, tandis qu’il vante à tout propos les charmes de madame Legendre. Mademoiselle Voland n’était plus jeune quand elle se lia avec le Philosophe, elle avait trente-trois ans, et par conséquent ne pensait plus à se marier. Sa famille était dans l’aisance, elle vivait habituellement à Paris ; mais tous les ans, vers l’automne, madame Voland allait,

  1. M. Legendre figure dans l’Almanach royal de 1767 comme inspecteur des Ponts et Chaussées et demeurant rue Neuve-des-Bons-Enfants-Richelieu. Il est mort trois ans après, en 1770.
  2. Le Palais-Royal n’était pas alors tel que nous le voyons aujourd’hui : les maisons d’alentour formaient la rue Richelieu et la rue des Bons-Enfants (ni la rue de Montpensier ni la rue de Valois n’existaient encore). Les propriétaires de ces maisons avaient tous des escaliers ou des terrasses sur le jardin. Ils firent, mais inutilement, des représentations très-vives lorsque, quelques années avant la révolution, le duc d’Orléans transforma son Palais.