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AVANT-PROPOS

Préoccupé depuis longtemps, des monstrueux abus qu’étale, au XXème siècle, et dans une société qui se dit civilisée, la réglementation de la prostitution par l’État, j’assistais l’an dernier, dans les bureaux de la préfecture de police, au sinistre défilé de quelques malheureuses, devant la commission d’encartage.

Un fonctionnaire, avis pris de deux commissaires de police, décidait, après examen sommaire – oh, le plus tranquillement et le moins méchamment du monde – de la vie ou de la mort civile des prévenues. À mesure comparaissaient les éternelles esclaves, avec leurs visages d’enfants ou leurs faces de précoces vieilles. Elles balbutiaient, les unes, inconscientes déjà, les autres, frémissantes encore leur litanie qui serrait le cœur :

« Naissance aux logis ouvriers, sans air, sans eau, dans la promiscuité familiale ; enfances croupies dans les maisons de correction ; adolescentes fuyant les ateliers qui exténuent et qui débauchent ; servantes gangrenées à la corruption des maîtres ; humbles vies sur lesquelles pesaient la nécessité de vivre ; âmes