Page:Azaïs - Jugement philosophique sur J.J. Rousseau et sur Voltaire.djvu/31

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tendres, énergiques, il les poursuivit dans son âme avec feu, avec délices ; il les exprima avec ravissement… Il fut le plus malheureux des hommes, car son organisation très-sensible, très-délicate, l’exposa à des maux pressés et continus ; il fut blâmé, haï, méconnu, envié, calomnié, persécuté par un grand nombre d’hommes ; son caractère en fut bouleversé ; et, indépendamment de ces atteintes extérieures, il éprouva, au fond de son âme, le froissement, la lutte pénible, déchirante, d’idées toutes extrêmes, mutuellement opposées, et qu’il ne savait comment concilier. Il fit de grands biens, car il brisa les liens de l’enfance, proclama avec succès les droits de la nature, et affranchit l’homme d’un grand nombre de servitudes qu’il ne pouvait plus supporter. Il fit de grands maux, car il ne sut point ménager la chute des opinions dont il précipita la ruine ; il sut encore moins les remplacer ; et nul homme, parmi ses contemporains, n’en aurait eu la puissance ; nul homme, ajoutons-le, n’aurait pu empêcher les mouvemens qu’il imprima ; c’est la nature humaine foulée, révoltée, qui les imprima par la main de Jean-Jacques ; la foudre lui fut remise d’un point ou d’un autre il fallait qu’elle tombât.