Page:Azaïs - Jugement philosophique sur J.J. Rousseau et sur Voltaire.djvu/38

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si la vanité ou le ressentiment eussent été les seuls motifs de ces confidences, elles eussent été absolument inexcusables. Mais n’oublions jamais que si nous voulons être équitables, en prononçant sur les actions d’un homme, nous devons prendre entièrement sa place, c’est-à-dire, nous approprier, autant qu’il nous est possible, ses opinions, son caractère, ses habitudes et sa position. J.-J. Rousseau était extraordinairement méconnu d’un grand nombre de ses contemporains ; c’est ce que l’on ne peut aujourd’hui révoquer en doute. Il est également certain que cette erreur d’un grand nombre de ses contemporains était un désolant supplice pour son âme sensible, généreuse, et par conséquent avide d’affection, d’estime et d’hommage. Pouvait-il, devait-il passer condamnation sur les imputations cruelles dont il était ou croyait être l’objet ? Et n’était-il point autorisé à se croire victime d’une sorte de fureur acharnée, lorsqu’à son âge, pauvre, et accablé d’infirmités, il était successivement chassé de tous les asiles où il espérait ensevelir ses peines ? Lors même qu’il aurait exagéré le blâme, la haine, l’animosité, le fanatisme qui le poursuivaient, ne suffisait-il pas qu’une parfaite bonne foi fût, à cet égard,