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communément à travers le monde et cette tradition a son point de départ dans l’Inde.

Comment fondent-ils cette opinion ? Uniquement — et c’est en effet la seule méthode possible — sur l’introspection de chacun des contes qu’ils prétendent ramener à l’Inde. Ces contes — dit la théorie — portent en eux-mêmes le témoignage de leur origine indienne : soit que l’on y découvre, même sous leur forme française ou italienne, des survivances de mœurs indiennes, soit encore qu’à certains traits maladroits des versions européennes correspondent, dans les versions orientales, des épisodes plus logiques, donc originaux.

La première de ces prétentions, qui tend à retrouver dans les fabliaux ou dans les contes de paysans des débris de mœurs indiennes, voire de croyances bouddhistes, est si vaine, que seuls, les sous-disciples de l’École paraissent n’y avoir pas encore renoncé. Aussi, nous accordons volontiers que, dans le chapitre où nous rappelons quelques-unes de ces tentatives avortées (Chapitre V), nous avons trop cédé au désir de vaincre sans péril des adversaires peut-être imaginaires.

On ne saurait se débarrasser aussi aisément de la seconde de ces affirmations, à savoir que les formes occidentales d’un conte, comparées aux formes orientales, se révèlent souvent comme de gauches et illogiques remaniements.

Pour le démontrer, les orientalistes ont appliqué, en un grand nombre de monographies de contes, des procédés de comparaison infiniment minutieux. Avec une bonne foi patiente dont le lecteur sera juge, j’ai accepté cette méthode. Le nombre des pages de ce livre serait doublé, si j’y avais exposé toutes les enquêtes que j’ai tentées. J’ai dû me borner : j’ai du moins rapporté celles qui concer-