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en espagnol, en français. Ils ont exercé sur la tradition orale une influence certaine, mais très médiocre ; car au moyen âge un fort petit nombre de contes paraît être sorti de ces collections. À la Renaissance et dans les temps modernes, elles ont été traduites de nouveau : elles ne semblent avoir fourni que des occasions de plagiats à des conteurs lettrés. L’histoire de ces traductions, tant au moyen âge que dans les temps modernes, n’intéresse donc guère que les seuls bibliographes.

Par voie orale, des contes sont assurément venus de l’Inde, tant au moyen âge que depuis. Contes de tout genre, merveilleux ou plaisants, fables et fabliaux. Peut-être même, malgré les apparences contraires, les quelques fabliaux que nous étudions spécialement en sont-ils originaires. Mais c’est une concession toute gratuite, car nul n’a le pouvoir de prouver cette origine orientale. Concession nécessaire pourtant, car il n’y a nulle raison d’exclure l’Inde du nombre des pays créateurs de contes. Tous en ont créé. Il est venu, il vient des contes de l’Inde, comme il en vient journellement de la Kabylie et de la Lithuanie.

Bref, la théorie orientaliste est vraie quand elle se réduit à dire : « L’Inde a produit de grandes collections de contes. Par voie lettrée et par voie orale, elle a contribué à en propager un grand nombre. » Affirmations qui conviennent, l’une et l’autre, à un autre pays civilisé quelconque. Elle est fausse quand elle attribue à l’Inde un rôle prépondérant, quand elle l’appelle « le réservoir, la source, la matrice, le foyer, la patrie des contes ». C’est dire que le système orientaliste meurt, au moment précis où il devient un système.

En nos diverses enquêtes, la méthode de comparaison, universellement admise par les folk-loristes, nous prouvait