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EN PRISON À BERLIN

Stadtvogtei pendant une couple d’années. Il s’agit ici de deux Turcs : un nommé Raschid et l’autre Tager.

Raschid était un jeune homme, il pouvait avoir 35 ans. Il habitait une cellule à l’étage supérieur et était en claustration. On l’avait coffré parce que, lors de son passage en Allemagne, il avait manifesté ses sympathies trop ouvertement pour la France. Tout comme M. Tager, il avait reçu une éducation française et avait vécu à Paris un grand nombre d’années. Ce pauvre Raschid, au secret tout le jour, n’avait pas reçu la permission de lire ou de fumer, mais plusieurs d’entre nous, mis au courant de sa grande misère, parvinrent à lui passer des livres français, des cigarettes et aussi de la nourriture. Le professeur Henri Marteau, célèbre violoniste, était particulièrement touché des malheurs de Raschid et le grand artiste, qui avait reçu la permission de jouer dans sa cellule, située dans les derniers temps de sa captivité au côté opposé du triangle où demeurait Raschid, se prêtait de bonne grâce chaque soir à tirer de son instrument de merveilleux accords pour soulager l’âme du pauvre Turc au secret.

Une nuit, j’étais appelé auprès de Raschid : il était fort malade. Et comme je causais avec lui en français, je pus obtenir beaucoup de renseignements, sans que le sous-officier y entendît goutte.

Raschid se croyait oublié entièrement par les autorités militaires. À cette époque-là, il avait été