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MILLE ET UN JOURS

quai d’une gare de tramway où nous attendions, un individu s’approche et s’adresse à moi en un anglais irréprochable, avec l’accent particulier de l’habitant de Londres.

— « À quelle heure partons-nous ? » demande-t-il.

— « Que voulez-vous dire ? »

— « Oui, à quelle heure partent les bateaux ? J’oublie si c’est cet après-midi ou ce soir »…

— « Je ne sais, monsieur, à quels bateaux vous voulez faire allusion. »

— « Je fais allusion, dit-il, aux bateaux qui doivent nous conduire en Angleterre. »

La Hollande a été, durant toute la guerre, un pays littéralement couvert d’espions allemands. Nous le savions, car à l’hôtel de Rotterdam où j’avais logé pendant quelques semaines des personnages sympathiques trouvaient toujours moyen, sous un prétexte quelconque, de lier conversation avec moi. J’avais été prévenu lors de ma première visite au Consulat.

À la première question de mon interlocuteur, je fus sur le point de tomber dans le piège. J’allais lui donner le renseignement recherché, quand un soupçon vint me couper la parole.

À sa dernière question je répondis, faisant mine de me départir d’un secret :

— « Exactement dans une semaine, à 6 heures du matin. »

— « C’est ce que j’avais cru comprendre ! » ajoute mon Anglais truqué.