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MILLE ET UN JOURS

Allemands. Anvers devint le centre de la résistance belge et le siège du gouvernement et du grand état-major. Nous, coloniaux britanniques de langue française, nés dans la démocratique et libre Amérique, nous n’avons pas eu souvent occasion, de voir, — et j’oserais dire de coudoyer, — un roi et une reine authentiques, aussi, il nous est difficile de nous faire une idée de la très grande popularité dont jouissent le roi Albert et la reine Élisabeth. Cette popularité fut pour moi toute une révélation, au point que ce couple royal nous a toujours semblé absolument unique entre tous.

Un jour, ayant appris qu’un détachement de soldats allemands faits prisonniers par les Belges allaient traverser la ville, j’étais sorti en toute hâte de l’hôpital, et je m’étais rendu dans le voisinage des quais pour voir défiler ces soldats prisonniers. Ce fut en vérité un spectacle inoubliable : toute la population d’Anvers était dans la rue, on se pressait vers les grandes artères pour tâcher d’apercevoir ces ennemis qui avaient envahi le sol sacré de la patrie belge.

En coupant court à travers certaines rues, j’eus l’avantage d’arriver en temps dans le voisinage des quais où il me fut donné de pouvoir observer de près et les prisonniers et la foule menaçante qui les regardait passer. Des trottoirs et des fenêtres des maisons, on lançait à ces Allemands les invectives les plus malsonnantes. Ces prisonniers, couverts de boue et