Page:Béranger, oeuvres complètes - tome 1.pdf/14

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est un moyen de parler de soi qu’on néglige rarement. Mais il ne suffirait pas de consulter de bonne foi des gens qui conseilleraient de même. Il faudrait encore exécuter : ceci est la part du caractère. Les intentions les plus pures, le patriotisme le plus éclairé ne le donnent pas toujours. Qui n’a vu de hauts personnages quitter un donneur d’avis avec une pensée courageuse, et, l’instant d’après, revenir vers lui, de je ne sais quel lieu de fascination, avec l’embarras d’un démenti donné aux résolutions les plus sages ? Oh ! disent-ils, nous n’y serons plus repris ! quelle galère ! Le plus honteux ajoute : Je voudrais bien vous voir à ma place ! Quand un ministre dit cela, soyez sûr qu’il n’a plus la tête à lui. Cependant il en est un, mais un seul, qui, sans avoir perdu la tête, a répété souvent ce mot de la meilleure foi du monde ; aussi ne l’adressait-il jamais à un ami.

Je n’ai connu qu’un homme dont il ne m’eût pas été possible de m’éloigner, s’il fût arrivé au pouvoir. Avec son imperturbable bon sens, plus il était propre à donner de sages conseils, plus sa modestie lui faisait rechercher ceux des gens dont il avait éprouvé la raison. Les déterminations une fois prises, il les suivait avec fermeté et sans jactance. S’il en avait reçu l’inspiration d’un autre, ce qui était rare, il n’oubliait point de lui en faire honneur. Cet homme, c’était Manuel, à qui la France doit encore un tombeau.