Page:Béranger, oeuvres complètes - tome 2.pdf/176

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« Un coup de foudre ajoute à mes présages[1] :
« Ton fils atteint va périr consumé ;
« Dieu le regarde, et l’oiseau ranimé
« Vole en chantant braver d’autres orages. »
Et puis la fée, avec de gais refrains,
Calmait le cri de mes premiers chagrins.

« Tous les plaisirs, sylphes de la jeunesse,
« Éveilleront sa lyre au sein des nuits.
« Au toit du pauvre il répand l’allégresse ;
« À l’opulence il sauve des ennuis.
« Mais quel spectacle attriste son langage ?
« Tout s’engloutit, et gloire et liberté ;
« Comme un pêcheur qui rentre épouvanté,
« Il vient au port raconter leur naufrage. »
Et puis la fée, avec de gais refrains,
Calmait le cri de mes premiers chagrins.

Le vieux tailleur s’écrie : « Eh quoi ! ma fille
« Ne m’a donné qu’un faiseur de chansons !
« Mieux jour et nuit vaudrait tenir l’aiguille
« Que, faible écho, mourir en de vains sons. »
« Va, dit la fée, à tort tu t’en alarmes ;
« De grands talents ont de moins beaux succès.
« Ses chants légers seront chers aux Français,
« Et du proscrit adouciront les larmes. »
Et puis la fée, avec de gais refrains,
Calmait le cri de mes premiers chagrins.

  1. L’auteur fut frappé de la foudre dans sa jeunesse.