Wilhem, toi de qui la jeunesse
Rêva Grétry, Gluck et Mozart,
Courage ! à la foule en détresse
Ouvre tous les trésors de l’art.
Communiquer à des sens vides
Les plus nobles émotions,
C’est faire en des grabats humides
Du soleil entrer les rayons.
La musique, source féconde,
Épandant ses flots jusqu’en bas,
Nous verrons ivres de son onde
Artisans, laboureurs, soldats.
Ce concert, puisses-tu l’étendre
À tout un monde divisé !
Les cœurs sont bien près de s’entendre
Quand les voix ont fraternisé.
Notre littérature est folle :
Fais-la rougir par tes travaux.
De meurtres elle tient école
Et pousse à des Werther nouveaux.
On l’entend, d’excès assouvie,
En vers, en prose, s’essouffler
À décourager de la vie
Ceux qu’elle en devrait consoler.
Des classes qu’à peine on éclaire
Relevant les mœurs et les goûts,
Par toi, devenu populaire,
L’art va leur faire un ciel plus doux.
Les notes, sylphides puissantes,
Rendront moins lourd soc et marteau,
Et feront des mains menaçantes
Tomber l’homicide couteau.
Quand tu pouvais sur notre scène
Tenter un plus brillant laurier,
Tu choisis d’alléger la chaîne
Du pauvre enfant de l’ouvrier.
À tes leçons, large semence,
La foule accourt et tu les vois,
Captivant jusqu’à la démence,[1]
Vers le ciel diriger sa voix.
D’une œuvre et si longue et si rude
Auras-tu le prix mérité ?
Va, ne crains pas l’ingratitude,
Et ris-toi de la pauvreté.
Sur ta tombe, tu peux m’en croire,
Ceux dont tu charmes les douleurs
Offriront un jour à ta gloire
Des chants, des larmes et des fleurs.[2]