Page:Béranger - Ma biographie.djvu/121

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yeux, n’en médisait pas moins des rois et des empereurs.


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Pourquoi faut-il, dans un siècle de gloire,
Mes vers et moi, que nous mourions obscurs ?
Jamais, hélas d’une noble harmonie
L’antiquité ne m’apprit les secrets ;
L’instruction, nourrice du génie,
De son lait pur ne m’abreuva jamais.
Que demander à qui n’eut point de maître ?
Du malheur seul les leçons m’ont formé,
Et ces épis que mon printemps voit naître
Sont ceux d’un champ où ne fut rien semé.
Ah ! je voudrais, par d’agrestes images,
Cher protecteur, vous qui fuyez les cours,
Vous attacher aux paisibles ombrages
Dont les parfums révèlent tant d’amours.
Dieu pour les champs garde aussi des orages,
Mais que bien vite il leur rend de beaux jours !
Vous qui fouillez sous cette arène antique[1]
Où triomphaient les rois de l’univers,
Que reste-t-il de leur pompe héroïque ?
De vains débris et des tombeaux déserts.
Là, pour les grands quelle leçon profonde !
Puissiez-vous donc, attentif à ma voix,
Plein des vertus que le calme féconde,
Aimer les champs, la retraite et les bois !
Oui, fier du sort dont vous avez fait choix,
Restez, restez, pour l’exemple du monde,
Libre de l’or qui pèse au front des rois.

  1. M. Lucien a fait faire, dans les environs de Rome, dès fouilles considérables. (Note de Béranger.)