Page:Béranger - Ma biographie.djvu/120

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

tout amour-propre d’auteur, toute prétention à une perfection que ces poésies ne devaient jamais atteindre, j’en formai un petit volume, décoré d’une épître dédicatoire, et m’occupai de trouver un libraire. Avec la moindre liberté de la presse, la dédicace seule m’eût procuré l’éditeur dont j’avais besoin ; mais il fallait passer par la police littéraire.

Je fus recommandé par Arnault à Lemontey[1], académicien, qui avait la réputation d’être le plus accommodant des censeurs impériaux. À la première vue, il condamna la dédicace du livre et l’épilogue d’un poëme pastoral, que j’adressai à M. Lucien. Le voici : il suffira pour faire apprécier la susceptibilité officielle du bon Lemontey, qui, entre quatre

    pas recueillir jamais le fruit des peines que je me donne ; j’ai tort, au reste, d’appeler peines ce qui est plutôt une charme pour moi qu’une occupation. » (Ibidem. Lettre du 24 juin 1812.)

  1. Lemontey (Pierre-Édouard), né à Lyon le 14 janvier 1762, mort à Paris le 26 juin 1826 ; avocat, puis homme de lettres, attaché en 1787 à la cause des protestants, procureur de la commune de Lyon en 1789, député à l’Assemblée législative, émigré après le 10 août. Rentré en France en 1795, il vint à Paris en 1797, y fit jouer des opéras, et y publia de piquants articles de littérature. Membre du conseil de l’administration des droits réunis, dès sa création, et chef d’un bureau de police littéraire, il fut, en outre, pensionné à 6,000 francs par an pour écrire une histoire de la France au dix-huitième siècle. Mais il se borna à préparer son Essai sur l’Établissement monarchique de Louis XIV et son Histoire de la régence, qu’il publia sous Louis XVIII. La Restauration le traita presque aussi bien que l’Empire. En 1814, il entra à l’Académie française. La phrase de Béranger suffit pour le peindre.