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comte Regnault de Saint-Jean-d’Angély arrangèrent, à mon insu, un dîner chez le frère du maréchal Suchet, où Arnault, qui redoutait ma sauvagerie, me conduisit en feignant de me mener chez le restaurateur. Désaugiers m’attendait là[1].

L’intimité ne tarda pas à s’établir entre nous, et nous n’étions pas au dessert qu’il me tutoyait déjà. Ma réserve naturelle s’en fût peut-être blessée avec tout autre ; mais mon habitude de juger les gens au premier coup d’œil ne pouvait être que favorable à cet homme excellent et de mine si gaie. J’éprouvai un véritable entraînement et ne résistai point aux instances qu’il me fit accepter de dîner au moins une fois au Caveau avec tous ses collègues, que je ne connaissais que de nom. Je m’y rendis au jour fixé et j’y chantai beaucoup de chansons. Chacun parut surpris que, si riche en productions de ce

  1. Désaugiers est né à Fréjus le 17 novembre 1772, et est mort le 6 août 1827 à Paris, des suites d’une opération de taille. Il avait eu le critique Geoffroy pour professeur au collége Mazarin, et dès ses dix-sept ans, débutait sur le théâtre de la rue de Bondy en y faisant jouer une comédie en un acte et en vers. De 1792 à 1797 il vécut à Saint-Domingue. À peine de retour en France, il devint l’auteur favori du théâtre des Variétés. C’est en 1815 que Barré lui offrit de lui succéder dans la direction du Vaudeville, qu’il quitta un moment après 1820, quand le Gymnase-Dramatique commença de lui faire concurrence, et qu’il reprit en 1825. Les pièces de théâtre de Désaugiers sont fort nombreuses. Il n’y a point de comparaison à faire entre ses chansons et celles de Béranger. Les unes sont oubliées ; les autres ne sauraient périr.