Page:Béranger - Ma biographie.djvu/161

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restaurateur du Rocher de Cancale[1], à un dîner de famille et croyant qu’il voulait me remercier ainsi des soins que j’avais donnés, comme secrétaire du Caveau, à l’acquittement de nos comptes avec lui, je m’y rends à l’heure indiquée. Conduit dans un des cabinets particuliers, j’y trouve Désaugiers, Gentil et plusieurs personnes que je ne connaissais pas. Étonné de voir qu’on se mettait à table sans attendre Baleine, le soupçon me gagne. Je quitte le dîner et cours déclarer à l’amphitryon que, s’il ne vient pas occuper son couvert, je déserte les convives. Force lui fut d’abandonner ses fourneaux et de venir prendre place à table, ce dont ne put s’empêcher de sourire Désaugiers. Le dîner fini, il s’empressa de me mettre au courant des usages de notre restaurant. On y commandait un repas quelques jours d’avance, en indiquant sur la carte ceux des membres du Caveau qu’on désirait avoir, comme on commande une dinde truffée et un poisson rare. Le genre de la chanson, véritable amusement de dessert, entraînait les plus distingués d’entre nous à ce rôle dégradant. Aussi Désaugiers, qui, j’en suis sûr, n’agissait ainsi que par imitation, se moquait-il de ce qu’il appelait ma pruderie : « Si tu savais, disait-il, combien il y en a qui se plaignent de n’être pas assez souvent invités !

  1. Rue Montorgueil, au coin de la rue Mandar.