Page:Béranger - Ma biographie.djvu/169

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être avaient vu la grande muraille de la Chine, semblèrent ne se reposer que dans la joie de leur triomphe. Ce ne fut, jusqu’au jour, qu’un bruit de farandoles étranges et de cris sauvages, mêlés aux clairons des Allemands, des Cosaques et des Baskirs. Je pus voir les illuminations qu’ils dressèrent à notre honte sur ce Montmartre où si souvent, aux derniers rayons d’un beau soleil couchant, j’avais été rêver à l’aspect de Paris étendu à mes pieds.

De grand matin, je me mets en quête et j’apprends par les proclamations affichées pendant la nuit qu’il n’est plus d’espoir et que l’entrée de ceux que désormais on nomme les alliés aura lieu dans quelques heures. De petits imprimés, non signés, sont encore répandus dans la foule pour l’engager à la résistance. Vaine protestation ! l’Empereur avait tellement habitué le peuple à ne croire qu’en lui, que sa voix seule eût pu alors dissiper toutes les incertitudes, relever tous les courages et surtout leur donner une direction utile. Bien convaincu de notre malheur, je pris le parti de rentrer chez moi pour me cacher, ne voulant rien voir du spectacle qui allait déshonorer Paris. Mais quelle fut ma surprise en rencontrant plusieurs cocardes blanches au milieu des groupes échelonnés le long des boulevards ! Un homme ivre cria même auprès de moi : « Vivent les Bourbons ! » La foule ne semblait rien comprendre à ces premières