Page:Béranger - Ma biographie.djvu/171

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Du haut des balcons, mille ou douze cents bourboniens (on m’assure que j’exagère le nombre de moitié), hommes ou femmes, gens nobles ou qui travaillaient à se faire anoblir, rendaient politesse pour politesse aux vainqueurs ; plusieurs même venaient se jeter aux genoux des chefs, dont ils baisaient les bottes poudreuses, tandis qu’aux fenêtres des mouchoirs blancs agités, des cris d’enthousiasme, de bruyantes bénédictions, saluaient cette armée qui défilait tout étonnée d’un pareil triomphe. Ainsi un lâche troupeau de Français foulait aux pieds les trophées de nos vingt-cinq dernières années de gloire devant des étrangers qui, par leur tenue, prouvaient si bien qu’ils en gardaient un profond souvenir.

Saisie d’abord d’une indignation patriotique, la classe des ouvriers fut longtemps à se rendre compte d’un changement aussi imprévu. Comme cette classe, plus que toute autre, avait besoin de la paix, ce fut ce mot qui seul put y faire des conversions favorables au régime qu’on nous préparait chez M. de Talleyrand. Cet homme habile, ainsi que l’empereur Alexandre, ne se rattachait aux Bourbons de la branche aînée que pour n’avoir plus affaire à Napoléon. On pourra juger de la différence des sentiments qui animaient le peuple et les royalistes, vieux ou nouveaux, par des faits qui se sont passés sous mes yeux.