Page:Béranger - Ma biographie.djvu/176

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mission de faire triompher au profit des autres peuples. C’est quand ceux-ci auront conquis les mêmes droits qu’elle qu’on devra faire taire toutes les rivalités d’amour-propre et les antipathies que le sang nous a transmises. Quoi ! Français, nous n’entretiendrions pas en nous, dans l’intérêt d’une pensée généreuse qui nous a déjà coûté tant de sang, un patriotisme que les Anglais poussent jusqu’à l’insolence et la cruauté pour des profits à faire sur le thé, l’indigo et le coton !

Tâchons que l’amour du pays soit toujours notre première vertu, et je le recommande surtout à nos littérateurs, qui mieux que d’autres peuvent prêcher cette vertu-là. Ai-je besoin de rappeler que mon vieux patriotisme ne m’a jamais empêché de faire des vœux pour le respect des droits de l’humanité et pour le maintien honorable de la paix, qui peut bien mieux que la conquête assurer les progrès du principe de notre Révolution. Quand on croise les baïonnettes, les idées ne passent plus.

L’entrée de Louis XVIII, que je voulus voir, offrit les plus singulières bigarrures. Comment l’enthousiasme se fût-il emparé des masses, qui ignoraient ce qu’étaient les individus ramenés ainsi ? Il est certain qu’à peine un spectateur sur cinquante eût pu dire nettement le degré de parenté de ces princes avec Louis XVI. Le roi, que beaucoup de