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Page:Béranger - Ma biographie.djvu/182

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dans les glaces du Nord, qu’il n’eût pu consentir à redevenir Français ; mais il n’y consentait qu’au prix du trône de France : avec ce vieux républicain point de marché possible, si un royaume n’en était le prix. Quant à sa religion, il la donnait pour épingles.

Son Altesse s’était fait accompagner de madame de Staël et de Benjamin Constant. Je veux parler de cet illustre publiciste, qui a offert, dans sa conduite, autant d’inconséquence et de mobilité qu’il a montré à la tribune et dans ses écrits, à peu d’exceptions près, de talent, de courage et de persévérance dans les principes d’une sage liberté. Malheureusement peut-être, la dextérité de son élocution était telle, que, pourvu qu’il eût une tribune abordable et une presse tant soit peu libre, il se fût, je crois, arrangé de tous les régimes ; mais ce n’était là que le tort d’une intelligence qui aime à se jouer des difficultés et regarde les applaudissements qu’elle obtient comme des triomphes pour sa cause. J’ai cru m’apercevoir que les obstacles opposés à l’expression de la pensée par les lois restreintes étaient un stimulant nécessaire à cet écrivain, le plus finement spirituel des hommes d’esprit que j’ai connus. Jamais conversation ne m’a paru avoir autant de grâce, d’enjouement, de flexibilité et d’apparente bonhomie que la sienne. Elle devenait brillante et forte par la contradiction. Je ne m’en faisais pas faute avec