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l’absolution de mes anciens méfaits ; mais je crains qu’elle ne tourne à mon détriment. Hasardons-la toutefois. Chez nos pères, les gens braves s’amusaient de la chanson, mais ne s’en préoccupaient pas. En lui donnant une importance qu’elle n’avait pas encore eue, j’ai autorisé à être plus sévères pour elle les critiques de notre chaste époque. Savais-je quelle destinée attendait les petits volumes où s’enterraient pêle-mêle les jovialités de ma jeunesse et les refrains politiques de mon âge mûr ? « En élevant ce genre, vous l’avez gâté, » me répondront nos Aristarques. Je le vois, messieurs : pour n’être point à l’index, il m’eût suffi de ne faire que des gaillardises. Malheureusement je ne suis plus d’âge à profiter de la leçon[1].

L’époque où mes chansons me firent prendre une espèce de rôle personnel dans la politique fut celle où je sentis la nécessité de dégager ma muse de ses façons trop lestes.

La publication de mon premier volume acheva de faire de moi le chansonnier de l’opposition. On pouvait savoir déjà que j’étais un homme de convictions sincères et désintéressées. Dans les Cent-Jours la place de censeur d’un journal (le Journal général, devenu le Courrier français) m’avait été proposée et j’en avais repoussé l’offre, malgré les instances qui

  1. Voir la préface de 1833 et les Notes inédites.