Page:Béranger - Ma biographie.djvu/235

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les prières du pauvre éditeur, à qui j’aurais dû pardonner d’avoir plus de peur que moi d’un emprisonnement qui pouvait ruiner sa maison. Il n’évita pas un procès, par suite de saisie d’exemplaires non conformes au dépôt qu’exige la loi ; mais l’affaire fut traitée doucement et sans qu’on me mît en cause, ce qui prouva que j’avais bien apprécié le ministre dirigeant[1].

De 1825 à 1828, vivant toujours au milieu de la société politique et de ses chefs les plus renommés, j’eus bien des fois à y faire preuve d’indépendance et de franchise. Je voyais combien la nation était plus intelligente et plus avancée que ses coryphées, qui s’en croyaient l’élite, comme ne manque pas de le croire toute assemblée politique, ce qui est rarement vrai et ne l’était certes pas alors plus qu’aujourd’hui. Plusieurs de ces messieurs me remerciaient du secours que je tâchais de leur prêter ; je répondais : « Ne me remerciez pas des chansons faites contre nos adversaires ; remerciez-moi de celles que je ne fais pas contre vous[2]. » Dieu sait qu’il y en

  1. Dans ce procès, un imprimeur avança que j’avais manqué de parole à mon éditeur, et le Journal des Débats parut insister sur ce fait complétement inexact : j’aurais pu faire un petit procès à mon tour au faux témoin et au journaliste ; mais je n’ai jamais aimé le bruit, et toujours j’ai compté sur le bon sens du public pour faire ces sortes de rectifications. (Note de Béranger.)
  2. Après 1830, la plupart de ces messieurs parurent tout étonnés