Page:Béranger - Ma biographie.djvu/237

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la raffermissent au moment où je tremble de la voir s’évanouir !

S’il m’eût été possible de retourner rêver et rimer dans mon coin, je l’eusse fait à la mort de Manuel, que je perdis le 20 août 1827. Une douloureuse maladie, qui troubla les dix dernières années de sa vie, lui en fit trouver le terme à cinquante-deux ans. On a écrit que l’ingratitude populaire avait abrégé ses jours ; rien de moins exact. Outre que Manuel n’était pas homme à ne voir le peuple que dans le monde des salons ou dans un corps électoral de cent cinquante mille individus, dont la capacité se mesure en centimes, il savait bien que plus d’un collége l’eût réélu en 1824, sans les honteuses intrigues de plusieurs de ses anciens collègues, les uns jaloux de sa supériorité, les autres effrayés des élans de son patriotisme, qui les menaient toujours plus loin qu’ils ne voulaient aller. Il connut ces basses menées ; mais, trop fier pour les déjouer en les signalant, il ne put être surpris de ne pas voir son nom sortir de l’urne électorale. S’il en gémit pour notre cause comme d’un abandon de principe, il dut presque s’en féliciter pour lui-même, dont la résistance, dans la Chambre, eût été désormais trop isolée pour être utile au pays. Il en eut été repoussé de nouveau, sans trouver dans les députés de la gauche autant de zèle à le défendre, ce que le parti contraire