Page:Béranger - Ma biographie.djvu/240

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parlementer longtemps. Entre la brutalité des soldats et les énergiques protestations de la foule, M. Laffitte montra un sang-froid et une fermeté qui purent faire présager tout ce qu’il sut être dans les journées de Juillet 1830. Pour que le passage devînt libre, il fallut remettre les chevaux au char mortuaire, exigence bien minime après un pareil déploiement de forces. Il est vrai que celles du peuple s’étaient grossies pendant le débat et qu’il y avait au moins cent cinquante mille assistants au convoi. Nous arrivâmes à la fosse : plusieurs discours prolongèrent mon supplice, car pour celui qui, pleurant une personne chère, cesse par sa douleur d’être sous l’empire de préoccupations politiques, c’est un grand supplice en effet que ces funérailles bruyantes, cet appareil d’éloquence, cette absence de toutes larmes dans les yeux fixés sur les restes d’un ami qu’on voudrait saluer du dernier adieu dans le recueillement le plus profond.

On parla d’élever un tombeau ; mais en cela on put voir encore combien Manuel et Foy avaient différé. Tout ce que depuis nous avons appelé juste milieu, mot qui eût pu être inventé plus tôt, la banque surtout, s’empressa de souscrire pour élever un mausolée au général et assurer une fortune à ses enfants ; pour Manuel, presque toutes les grosses bourses refusèrent de s’ouvrir et l’on eut bien de la peine