Page:Béranger - Ma biographie.djvu/267

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intérêt privé pour unique mobile même de ses actes politiques, ce qui suffit pour démentir la réputation de grand homme d’État qu’ont voulu lui faire ceux qu’avaient éblouis ses vieux titres et son luxe princier[1].

Je n’en dirai pas plus de ce personnage, qui appartient à l’histoire. Ceux qui écriront sur notre époque ne manqueront pas, je l’espère, de réduire la prétendue capacité de Talleyrand à ses justes proportions, et de flétrir à jamais ce ci-devant évêque, grand seigneur, qui trahit la France et Napoléon, dont les bienfaits avaient créé sa haute position, et qui se fit payer, en 1814, le désastreux traité de Paris, signé à la grande surprise des étrangers eux-mêmes.

Je n’ai plus rien à dire de moi qui puisse servir

  1. Au Congrès de Vienne, il joua d’abord un rôle si blessant pour son amour-propre, qu’il voulait quitter la partie ; c’est M. de la Besnardière*, dont la réputation est grande encore aujourd’hui aux affaires étrangères, qui lui suggéra de demander, par une note, quel serait le pied de paix de l’Autriche si l’on cédait aux prétentions envahissantes de la Russie du côté de l’Allemagne. Le conseil aulique, consulté, déclara que, dans ce cas, quatre cent mille hommes seraient nécessaires à l’Empereur, qui s’épouvanta, ainsi que plusieurs autres princes. De ce moment M. de Talleyrand ressaisit de l’influence au congrès, mais il se garda bien de l’employer, autant qu’il l’eût pu, au profit de la France. Je tiens ceci de la Besnardière lui-même. Ce n’est pas le seul service de ce genre qu’il ait rendu au plus paresseux des hommes. (Note de Béranger.)

    *Jean-Baptiste Gouet, comte de la Besnardière, né à Périers, près de Coutances, le 1er  octobre 1765, mort à Paris le 30 avril 1843.