Page:Béranger - Ma biographie.djvu/346

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

légitimité de la naissance du duc de Bordeaux. Le procès-verbal de l’accouchement de la mère était propre à faire naître des doutes. Bien des personnes placées haut les ont eus. L’enfant du miracle pouvait être l’enfant de la fraude. On peut donc être surpris que Béranger n’ait pas mis à profit ce côté de l’événement, qui prêtait si bien à la chanson ; mais presque tous ses couplets politiques ont été le fruit de la réflexion. Il avait calculé qu’un jour ou l’autre cette famille serait renversée, et il ne croyait pas que cet enfant pût jamais arriver au trône. Il regardait donc comme utile qu’un rejeton de la race dite légitime existât quelque part, pour que celui qui serait appelé au trône, par suite d’événements probables, fût bien évidemment dans le cas d’usurpation, au point de vue légitimiste, ce qui devait être avantageux au principe de la souveraineté populaire, principe que Béranger a toujours professé. C’était surtout dans le cas où la branche d’Orléans arriverait au trône, que ce représentant de la légitimité paraissait nécessaire au chansonnier. Voilà ce qui le détermina à ne pas chicaner la naissance miraculeuse du duc de Bordeaux, au risque d’exposer sa chanson à être reçue plus froidement qu’elle ne l’aurait été, faite dans le sens qui eût le plus flatté la malignité publique. Il ne faut pas croire que ce soit la seule fois qu’il ait soumis ses inspirations à un examen aussi approfondi.

Dans le second couplet, il est question de l’eau du Jourdain, dont on prétend que M. de Chateaubriand offrit une fiole pour le baptême du roi de Rome. Le fait n’est peut-être pas exact : mais le trait qui en résulte est trop peu mordant pour qu’on ait cru nécessaire de s’assurer de la vérité historique.

Béranger n’a point cessé d’admirer le talent de l’auteur d’Atala, et crut toujours qu’on devait une sorte de respect à l’homme supérieur qui s’égare. Le parti royaliste n’usa jamais d’une pareille réserve : il faut en excepter M. de Chateaubriand,