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qui termine la chanson des Esclaves gaulois. L’auteur fut inflexible, et le couplet resta seul.

Ce qu’il y eut de particulier, c’est que, Béranger ayant refusé de retrancher plusieurs vers dans différentes autres chansons, il fut obligé de se déclarer éditeur du volume, et que c’est à ce titre que le dépôt en fut fait sous son nom à la direction de la librairie.

Le libraire et l’imprimeur, de leur autorité privée, n’en firent pas moins disparaître ces cinq ou six vers dans une moitié de l’édition ; il en résulta saisie d’exemplaires et procès pour vice de forme, procès qui eût dû être fait à l’auteur, éditeur déclaré ; mais le parti était pris, cette fois, de ne pas le tourmenter, et il ne fut question que de l’imprimeur en première instance et en appel, tandis que c’était l’éditeur qui, dans les règles, eût dû être mis en cause. Certes, si le ministre tout-puissant n’eût pas donné le mot d’ordre, l’affaire ne se fût point passée ainsi, mais M. de Villèle n’avait point besoin, pour faire valoir son royalisme, de tracasser un pauvre auteur. Béranger l’avait prévu, et, comme il avait habitude de proportionner son attaque au danger qui en pouvait résulter, cette prévision ne contribua pas peu à le rendre plus facile aux exigences de ses libraires, pour les passages de ce volume où il ne vit pas une nécessité de résister aux craintes dont ils étaient obsédés. Au reste, ces corrections furent en très-petit nombre, et le volume, tel qu’il parut, suffit bien pour prouver que la prison n’avait pas éteint, dans le chansonnier, les sentiments qui lui avaient mérité l’honneur d’une condamnation. Aussi les journaux ultra ne manquèrent-ils point de le dénoncer de nouveau à l’animadversion du parquet et des juges ; mais, malgré les plaintes des royalistes, le libraire seul eut un peu à souffrir du zèle de MM. les magistrats. (Note de Béranger.)