Page:Béranger - Ma biographie.djvu/35

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en pleine audience, le spoliateur d’une réprobation si énergique, que celui-ci, malgré toutes ses richesses, fut obligé de s’éloigner du département. M. de Bellenglise repoussait la peine de mort, et, à chaque passage du Premier consul à Amiens, il ne manquait pas d’essayer de lui en démontrer l’injustice et l’inutilité. Homme excellent, vrai philosophe, bienveillant et aumônieux, que ta mémoire soit bénie !

C’est lui qui me fit entrer dans l’imprimerie que, grâce à son appui, le libraire Laisney venait d’établir à Péronne. J’y passai près de deux ans, m’adonnant avec goût aux travaux de la typographie, mais sans me perfectionner dans l’orthographe. Cette étude m’a toujours trouvé récalcitrant, malgré les soins du fils Laisney, qui, un peu plus âgé que moi, devint mon ami et chercha à m’enseigner les principes de la langue. Il ne parvint guère qu’à m’initier aux règles de la versification. Je ne dirai pas qu’il m’en donna le goût ; je l’avais depuis longtemps. À douze ans, incapable de deviner que les vers fussent soumis à une mesure quelconque, je traçais des lignes rimées, tant bien que mal, mais de la même longueur, grâce à deux raies de crayon, tirées du haut en bas du papier, et croyais faire ainsi des vers aussi réguliers que ceux de Racine. Les vers libres de la Fontaine avaient pourtant fini par me faire