Page:Béranger - Ma biographie.djvu/365

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teindre, ma réputation, dis-je, n’a pas fait varier le jugement que je porte de mes productions. Je suis un bon petit poëte, habile ouvrier, travailleur consciencieux, à qui de vieux airs et le coin où je me suis confiné ont porté bonheur, et voilà tout ! D’après cela, vous devez juger, monsieur, combien je suis reconnaissant envers ceux qui veulent bien jeter d’en haut quelques fleurs sur ma pauvre vielle. Car ce n’est qu’en rougissant que je me suis servi parfois du mot de lyre. Non, ce n’est qu’une vielle que je fais résonner. Mais elle est restée indépendante et m’a servi à consoler ce peuple des rues que notre haute littérature a peut-être trop dédaigné. J’ai dit quelque part :

Quand jeune encor, j’errais sans renommée,
D’anciens châteaux s’offraient-ils à mes yeux,
Point n’invoquais, à la grille fermée,
Pour m’introduire, un nain mystérieux.
Je me disais : Tendresse et poésie
Ont fui ces murs, chers aux vieux troubadours ;
Fondons ailleurs mon droit de bourgeoisie.
Je suis du peuple, ainsi que mes amours.

« C’est donc d’en bas que ma voix est arrivée jusqu’à vous. Je n’en suis que plus fier de voir quelques-uns de ses chants vous faire prendre la plume en faveur du chansonnier. J’aurai une ligne dans l’histoire. Que de grands hommes à qui cette ligne a manqué !

« Les passages de votre lettre où vous répondez à la partie politique de mes couplets me font éprouver le besoin de vous faire ma profession de foi à cet égard. Ne vous plaignez pas, monsieur, de cette sorte d’épanchement ; accusez-en plutôt l’intérêt que vous me montrez, bien que vous me connaissiez depuis peu de temps et que vous m’ayez longtemps mal jugé, ainsi que vous le regrettiez un jour avec des expressions que je trouvai si aimables.