Page:Béranger - Ma biographie.djvu/366

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« Né avec un sentiment exalté de patriotisme, j’ai été bercé sur les genoux de la République, dans un pays qui eut peu à gémir sur les malheurs de 93. À dix-huit ans, le hasard me fit passer obscurément à travers les restes du parti royaliste. Je n’en fus que plus attaché à ce que je puis appeler mes premières opinions. Mon admiration pour Napoléon ne me dissimula aucun des inconvénients du gouvernement impérial. Cinq ou six mois de la Restauration, que je vis d’abord avec plus de surprise que de haine, suffirent pour me faire pressentir sa chute plus ou moins éloignée. Vous sentez que plus que jamais mes idées doivent être arrêtées. Elles le sont si bien, monsieur, que je néglige quelquefois de les mettre en avant. Autant que j’ai pu aider la Révolution de juillet, je l’ai fait, et je m’en félicite. Depuis longtemps, j’ai dans l’esprit que les monarchies représentatives ne sont qu’une forme transitoire. Les trônes constitutionnels ne me semblent être que des ponts jetés sur un fleuve que nous ne pouvions passer à la nage, encore moins franchir d’un saut. Je crois bien connaître les Français de notre époque : leur éducation est loin d’être complète. Les fautes de la Restauration ne l’ont qu’ébauchée ; il faut qu’elle s’achève ; il me semble qu’on y travaille. Mais toutefois les fautes commises depuis un an sont de nature à rouvrir la lice de tous les partis. Vous, monsieur, resté fidèle au principe fondamental du vôtre, mais avec un caractère trop élevé, un patriotisme trop vrai pour n’en pas repousser les intrigues, permettez-moi de vous dire que vous me semblez devoir cependant vous tromper sur les conséquences de ses efforts. Selon moi, malgré l’espoir que le parti légitimiste conserve d’hériter paisiblement des dépouilles des autres factions, il ne le peut sans le secours de l’étranger. Oui, il aura encore besoin une fois des Cosaques, et, dût-il faire morceler la France, son triomphe sera de courte durée. Je dois m’arrêter à ce point, où je crains