Page:Béranger - Ma biographie.djvu/41

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pour cela. La digne femme, il est vrai, convenait en riant que vous et votre père deviez avoir du sang noble dans les veines. « Mon mari, disait-elle, ne faisait œuvre de ses dix doigts et s’enivrait du vin de son cabaret, en bon gentilhomme campagnard. Quant à mon fils, il ne peut pas plus vivre sans dettes qu’un grand seigneur. » — Ma sœur, tous vos quolibets n’empêcheront pas que mon fils, chef de la famille après moi, ne devienne page de Sa Majesté. — Votre fils ne voudra jamais devenir laquais. — Qu’appelez-vous laquais ! un page du roi ! mais c’est un honneur envié par les plus grandes maisons. — Cela me rassure pour lui. — Ma sœur, au retour des Bourbons, je vous jure que je présenterai mon fils à nos excellents princes. — Prenez garde qu’il ne leur chante la Marseillaise. »

Qu’on ne croie pas que j’invente ce dialogue, que plus tard les conversations de mon père m’ont rappelé cent fois jusque dans les moindres expressions.

Bientôt il me fallut aller le rejoindre à Paris[1], où, réuni enfin à ma mère[2], il s’était mis à faire des opérations de bourse, car encore fallait-il vivre pour voir le retour de la dynastie.

J’avais souvent rêvé de Paris, ville qu’on n’oublie

  1. Rue du Faubourg-Poissonnière, au coin de la rue Bergère.
  2. Depuis le mois de vendémiaire, de l’an IV.